Homélie de l'abbé Patrice Boursier, curé des trois paroisses
Dimanche 1er novembre 2020
Fête de la Toussaint
Puybelliard - Chantonnay
Jésus vient de nous dire par neuf fois : « Heureux »…
On peut avoir bien des raisons pourtant de ne pas croire au bonheur, à un bonheur possible. Il y a tellement de raisons en effet de désespérer : la maladie, les divisions, l’échec scolaire ou professionnel ou sentimental, la difficulté à trouver sa place en ce monde… que sais-je encore ?
Un jour de Toussaint, on doit évoquer aussi ceux et celles qui éprouvent l’absence d’un être cher, parfois parti jeune ou brutalement. Retrouver le goût de vivre, ça ne se fait pas comme ça.
Et il y a aussi ce virus, invisible mais bien présent, qui n’en finit pas d’endeuiller et de nous compliquer la vie.
Et enfin, il y a les attentats. Et puisque nous sommes dans une église, on ne peut pas ne pas penser à ce qui s’est passé dans la basilique de Nice : des innocents à la vie balayée, des familles anéanties et une société taraudée par la peur.
Qu’est-ce donc que ce bonheur dont nous parle Jésus ? Sa vie nous dit que ce n’est pas un bonheur facile. Ce Jésus qui veut notre bonheur a, pour cela, mené un combat. La vie est un combat, la vie chrétienne est un combat. Les Saints que nous fêtons aujourd’hui en savent quelque chose.
Mais ne nous trompons pas d’ennemi, surtout. Comme ceux qui ont tué Jésus en croyant faire la volonté de Dieu… et comme ceux qui, aujourd’hui, tuent des innocents en invoquant leur Dieu.
On a pris Jésus pour un ennemi… un ennemi de Dieu, un ennemi des hommes… et c’est pour cela qu’on l’a condamné, lui l’innocent par excellence.
Jésus nous a appris – et c’est d’ailleurs toute l’expérience du peuple juif – Jésus nous a appris que l’ennemi véritable est en nous. Il n’est pas à l’extérieur… il est à l’intérieur de nous.
Cet ennemi, ce peut être notre volonté de dominer, d’imposer. C’est bien ce qui habite les terroristes. Mais qui peut dire qu’il est totalement indemne de cette tentation d’imposer sa vérité ?
Cet ennemi, ce peut être notre désir de vengeance. Et c’est bien ce qui s’exprime aussi dans les actes terroristes. Mais le désir de vengeance peut nous traverser tous, un jour ou l’autre.
L’ennemi, c’est tout cela et bien d’autres choses encore qui nous habitent, qui sont en nous. Le mal, l’ennemi, sont avant tout en nous. Je fais mienne cette réflexion d’un musulman : « Il faut tuer le loup qui est en nous ! »
Si je cite un musulman, c’est parce que, bien sûr, la tentation est forte, en ce moment, d’en vouloir à tous les musulmans.
Les musulmans ont un problème, c’est sûr ! On tue des gens au nom de leur Dieu. Mais nous avons eu ce problème, nous aussi… et on n’est jamais à l’abri d’une interprétation déviante et dramatique de la Bible.
Nous pouvons aider les musulmans à régler leur problème, à soigner leur mal. Comment ? En s’appuyant sur les musulmans de bonne volonté. Et il y en a !
Saint François d’Assise, au 13 ème siècle, est allé à la rencontre du Sultan en Egypte. Il voulait lui prêcher l’Evangile pour qu’il devienne chrétien et qu’il soit sauvé. Quand il arrive près du Sultan et lui parle de son Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, les conseillers du Sultan veulent le tuer. Mais le Sultan dit à François : « mes conseillers m’ont dit… de vous faire couper la tête… Je ne vous ferai pas couper la tête… [parce que vous avez] risqué votre vie pour conduire mon âme à Dieu. » Le sultan n’est pas devenu chrétien mais il a sauvé la vie de François, d’un chrétien… Et on peut penser que Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, l’aura récompensé en retour, à sa mort.
Oui, on peut s’appuyer sur des musulmans intelligents, éclairés, ouverts, parfaitement intégrés dans notre société, des musulmans de bonne volonté, pour qu’ils aident leur communauté, pour qu’elle fasse bloc contre tout extrémisme. Mais rejeter les musulmans en bloc serait les pousser à se radicaliser en bloc !
Oui, au jour de la Toussaint, on peut dire cela en s’appuyant sur Jésus, le Saint des Saints. On peut dire sur les musulmans ce que je viens de dire en s’appuyant sur ce grand saint qu’est François d’Assise. On peut dire du bien des musulmans qui disent eux-mêmes tant de bien de Marie, la Vierge Marie, la première des saintes, après Jésus.
Le combat que les musulmans ont à mener, il est le combat que toute notre société a à mener.
La vie chrétienne est un combat, un beau combat, celui de la sainteté, celui du bonheur, ce bonheur de vivre avec Dieu et en paix avec tous les hommes. Pour mener ce beau combat, laissons-nous guider par le Christ et par tous ceux qui se sont inspirés de lui, les Saints que nous fêtons aujourd’hui.