Funérailles chrétiennes :
être bonne nouvelle auprès des personnes endeuillées
Depuis plusieurs mois, nous présentons à nos lecteurs, la vie de nos paroisses dans ses différentes missions.
Dans ce numéro, nous avons donné la parole aux personnes qui accompagnent les familles en deuil et animent – voire conduisent – les célébrations des funérailles.
Certes, c’est une naissance que nous fêtons en décembre il faut toujours nous rappeler que, si nous fêtons Noël, c’est parce que nous croyons que Jésus est toujours vivant, c'est-à-dire qu’il a traversé la mort et est ressuscité. Et c’est bien cette Bonne Nouvelle que nos communautés ont à annoncer à ceux et celles qui viennent de perdre un proche. La Bonne Nouvelle de Noël s’enracine dans la Grande Nouvelle de Pâques.
Être Bonne Nouvelle auprès des personnes endeuillées, voilà bien le défi premier des personnes qui donnent de leur temps pour accompagner ceux et celles qui sont dans l’affliction. Cela commence tout simplement par se rendre présent. Il faut vraiment saluer les bénévoles (ils le sont tous) qui font preuve d’une grande disponibilité dans l’instant car, s’il est une caractéristique de cette mission, c’est qu’on ne peut rien prévoir. Dès qu’une famille fait appel à la paroisse, il faut laisser ce que l’on avait planifié pour l’accompagner au mieux.
Les paroisses pourront-elles toujours offrir ce service comme il est accompli aujourd’hui ? Il est permis d’en douter car, comme en bien des lieux, la relève tarde à venir. On peut dire que l’on navigue à vue. Mais n’est-ce pas la condition des disciples du Christ ? Suivre Jésus donne toujours le vertige. Avec lui, il faut accepter que l’on ne sache pas de quoi demain sera fait.
C’est pour cela qu’il faut goûter pleinement le présent, notamment en rendant grâce pour ce qui se vit à l’occasion des funérailles, pour ce que les différents acteurs de l’accompagnement des familles en deuil reçoivent dans leur mission, comme témoignage, comme merci et aussi comme occasion d’approfondir leur foi.
Merci à ceux et celles qui ont accepté de livrer ici un peu de leur expérience. Un merci plus large va à toutes les personnes qui donnent d’elles-mêmes dans cette mission dont elles reconnaissent recevoir beaucoup. Je tiens également à manifester une toute particulière reconnaissance à la famille qui a accepté de partager de ce qu’elle a vécu lors du départ d’un de ses proches.
Que le Dieu de l’espérance nous éclaire et nous fortifie afin que la Bonne Nouvelle résonne partout où elle est attendue ! ■
Patrice BOURSIER, curé
Accompagner des familles en deuil
Quand on nous a proposé de faire partie des équipes funérailles, nous avons beaucoup hésité. Et pourtant, aller voir des familles qui sont dans la peine et la souffrance, les accueillir avec simplicité et en toute discrétion, c’est donner pleinement sens à notre baptême.
À l’annonce d’un décès, nous prenons contact avec la famille du défunt pour préparer la célébration. Nous venons habituellement à deux. Mais l’officiant peut aussi participer, s’il est disponible. C’est le moment de recueillir les témoignages d’une vie, les souvenirs, les faits marquants, également les liens du défunt à Dieu et à l’Église et ceci afin de préparer un mot d’accueil pour le début de la célébration. Après ce temps d’échange avec les proches du défunt, vient celui de parler de la célébration. Nous leur donnons un livret de chants et un livret avec les lectures bibliques. Il s’agit de prendre le temps de les écouter et de les guider avec bienveillance pour que la célébration corresponde aux sensibilités de chacun. Nous proposons également aux familles de vivre un temps de prière au cimetière après la célébration.
Auprès des personnes endeuillées…
Notre mission est importante et très humaine ; elle nourrit notre vie de chrétien. L’Esprit Saint illumine notre esprit pour trouver les mots justes et capables de réconforter ; la présence de Dieu nous aide. Nous ne sommes pas seuls dans cette mission ; c’est une mission d’Église que nous assurons. Ce n’est pas la nôtre mais celle du Christ et nous sommes ses envoyés. C’est à la fois rassurant parce qu’il nous donne la grâce de l’accomplir mais exigeant aussi parce qu’il nous faut apprendre à devenir transparent pour qu’on reconnaisse à travers nous la personne du Christ.
Voilà comment, dans l’accompagnement des familles en deuil, nous essayons d’être porteurs de la Bonne Nouvelle et passeurs d’espérance. Et puis, c’est sûr : l’Esprit Saint vient à notre aide…
L’équipe a besoin de se renforcer. D’autres personnes peuvent nous rejoindre. Nous leur dirons, dans un premier temps : « Viens et Vois ». ■
FRANÇOIS et MARTINE - L’Oie
Conduire les sépultures
Mon entrée dans cette mission de conduite des sépultures fait suite à une première demande de Jean Buton il y a plus de 10 ans. Il a fallu un temps de réflexion, puis Jean-Marie Bounolleau est revenu à la charge et là, j'ai accepté ce service.
En compagnie de Thérèse-Marie Bonneau de Rochetrejoux, nous avons suivi une formation de plusieurs jours à la Maison du diocèse à La Roche-sur-Yon. L'évêque a alors donné son accord. Quelques jours plus tard, première demande de Jean-Marie : « Il y a un décès à Mouchamps, acceptes-tu de conduire la cérémonie ? » Il faut bien se lancer... mais serai-je à la hauteur ? Le cœur bat un peu plus vite... On y va. Depuis, les interventions se sont succédé au rythme d'une bonne dizaine par année.
Quand la paroisse me demande comme officiant, je fais alors une visite au funérarium où je salue les proches et je les questionne sur la vie et les convictions du défunt ou de la défunte, ceci afin de personnaliser la cérémonie. Il me faut aussi connaître les prénoms des intervenants qui peuvent parfois stresser en attendant le moment de leur intervention. Après le passage au corps, un mot de « bon courage » aux proches déclenche invariablement des « mercis » extrêmement chaleureux.
Que retenir de ce rôle ? Il est important d'apporter réconfort, soutien et espérance aux proches des défunts. Les cœurs sont là, ouverts soit par la blessure de la souffrance et du désarroi, soit par l'amitié et la compassion. Réconforter avec l'aide de la Parole de Dieu n'est pas un vain mot : dire et répéter que la mort n'est pas une disparition et une rupture, mais un passage vers la lumière et un bonheur sans limite ; un nouveau chemin s'ouvre pour le défunt ou la défunte mais aussi pour leurs proches. La célébration des obsèques chrétiennes est un temps privilégié d'évangélisation. La parole doit être nourrie du message évangélique et biblique, bonne nouvelle d'espérance et de vie. Bien sûr, cela demande un peu de conviction, de temps et d'énergie mais en échange c'est un réel bonheur pour moi de voir des visages apaisés malgré la peine toujours présente.■
Jean-Pierre MAUDET
Merci Patrice... et au-revoir
Patrice, notre fils est né handicapé. Il ne parlait pas. Mais nous arrivions à bien communiquer avec lui. Il s'exprimait avec ses yeux, son visage. Depuis son enfance, il a été placé dans des établissements adaptés à ces personnes. Il venait un week-end tous les quinze jours à la maison. Depuis quelques semaines, nous avons senti sa santé se fragiliser. Il est venu à la maison une dernière fois, et le vendredi suivant, le 24 juin, l'établissement nous téléphonait en nous annonçant son décès arrivé dans son sommeil. Nous avons été aussitôt le voir. Le personnel l'avait mis dans un lit entouré de bougies. Il avait un beau visage. On aurait dit un ange. Les pompes funèbres sont venues le chercher. Tout s'est bien passé. Ce sont des professionnels qui font leur travail d'une manière très humaine. Par eux, nous avons eu contact avec la paroisse, et les personnes qui font l'accompagnement des familles en deuil. Avec elles – nos filles étaient présentes – nous avons préparé la célébration. Béatrice, qui a conduit la célébration religieuse, nous a interrogés sur la vie de Patrice, sur ce que nous vivions avec lui. …/…
Nous avons senti de sa part une grande écoute ; on sentait qu'elle voulait connaître ce que nous vivions avec lui. Nos filles ont dit leur mot pour le choix des lectures... des lectures qui parlent d'amour plus que de mort. Nous souhaitions une célébration priante et chantante. Nous avons été marqués par la qualité de la célébration, par ce qu'ont dit les personnes qui nous ont accompagnés et la prise de parole de Béatrice.
Nous tenons à remercier le personnel de l'établissement qui a accueilli Patrice pendant 17 ans. Voici un extrait de leur lettre : « Nous ne t'oublierons jamais. Tu avais une façon bien à toi de te faire comprendre, ta détermination envers l'équipe du quotidien, les infirmiers, tu aimais que tes rituels soient respectés... ».
Il faut maintenant continuer à vivre sans ses passages réguliers à la maison. C'est dur. Il avait une place importante dans la vie de notre famille. Mais il vaut mieux qu'il soit parti avant nous. Il est toujours présent ; on pense souvent à lui. Devant sa photo, on lui dit « bonjour » « au-revoir »...
Voici les derniers mots que nous lui avons adressés à la célébration : « Un fils, un frère différent, doux, gentil, coquin, ne parlant pas mais très, très expressif, jamais exclu, jamais caché, jamais mis à l'écart !... Patrice a été un des maillons qui a renforcé notre famille et créé des liens indéfectibles. » ■
LUCETTE et MARCEL, ses parents
Être professionnelles de funérarium
Le décès de mon mari en 2009 m’a amenée à continuer l’activité, où je n’y faisais que la comptabilité ; et ce n’est pas sans mal que je suis parvenue petit à petit à me familiariser avec mon nouveau métier. Après cinq ans à mes côtés, Charline, qui m’a été d’un grand secours psychologiquement et physiquement, a repris l’entreprise familiale au 1er janvier de cette année. Dans les communes environnantes où nous intervenons, les relations sont faciles, sans complications ; cette clientèle nous aide beaucoup par leur simplicité. L’empathie, la compassion sont toujours présentes. Nous ne rencontrons pas beaucoup de changement, si ce n’est que la demande de crémation est de plus en plus importante, simplement par le fait que les nouvelles générations ne vont pas ou très peu au cimetière pour entretenir et fleurir les tombes.
Un appel pour nous avertir du décès d’un proche, et nous nous préparons à l’accueil de la famille. Étant natives d’une commune de 3000 habitants, nous connaissons majoritairement les familles qui viennent vers nous. Ce premier contact est toujours très douloureux, et autour d’un café, nous incitons sobrement les proches à exprimer librement leurs émotions, à nous parler du défunt et de sa fin de vie. Vient ensuite le temps de la préparation des obsèques, en tenant compte de leur diversité, qu’elle soit financière, religieuse… Les proches sont perturbés, et souvent n’ont pas la faculté de prendre une décision dans l’instant présent, nous leur soumettons toutes les possibilités appropriées à leurs besoins. Il est vital pour nous que la famille reparte du rendez-vous, rassurée, soulagée et apaisée. Après la présentation du défunt, avec les proches, nous pouvons reprendre certains éléments du dossier et valider leur choix final. Dès lors, la famille, peut, en toute sérénité, recevoir les visiteurs jusqu’au départ de l’être aimé. Nous avons la satisfaction de nous rendre utiles et le sentiment du devoir accompli !■
MARYLÈNE et CHARLINE
Les funérailles chrétiennes :
un temps fort du ministère de prêtre
Pendant longtemps, les prêtres ont été les seuls à présider les funérailles. Puis après le concile Vatican II, les diacres ont été associés à ce ministère. Désormais cette mission est partagée avec des laïcs qui conduisent la célébration ou qui accompagnent les familles en deuil.
Dans ma vie de prêtre, ces rencontres avec les familles qui ont perdu un être cher font partie de celles qui enrichissent ma foi. Là, nous entrons dans l'histoire d'une famille qui dévoile ses joies et ses souffrances, ses réussites et ses échecs. Il faut écouter. Les mots et les paroles sont riches d'une vie d'amour, de tendresse, de pardon, mais aussi de tensions. Cette vie qui se dévoile est quelque chose de précieux, car c'est là que le visage de Dieu apparaît : ce Dieu, qui en Jésus, vient à la rencontre des hommes. Oui dans ce dialogue qui touche au plus profond le sens de la vie, je suis invité comme prêtre à faire se rencontrer la vie de cette famille avec la Parole de Dieu. Car chacune s'éclaire l'une par l'autre. Ainsi, je peux trouver les mots où au cours de la célébration, je pourrai relier cet évènement vécu par la famille, par la communauté chrétienne rassemblée, à l'événement central de notre foi : la mort et la résurrection de Jésus.
« La mort touche et interroge chacun d'entre nous » écrivent nos évêques. Elle est aussi le lieu où se révèle la vie éternelle.■
Alphonse LIMOUSIN