« L’espérance ne déçoit pas. »
(Lettre de saint Paul aux romains (Rm 5, 5)
Nous avons choisi de consacrer ce bulletin paroissial à l’espérance. C’est une manière d’anticiper les deux pèlerinages de Saint-Vincent-de-Chantonnay (la Ricotière et la Barillère), au début septembre, portant également sur ce thème. « L’espérance ne déçoit pas » écrit saint Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome (chapitre 5). L’espérance ne déçoit pas, mais elle peut donner lieu aussi à un combat pour les personnes particulièrement éprouvées. L’éditorial de Marcel Bidaud sera une manière de nous introduire aux témoignages qui vont suivre. Nous remercions les personnes qui ont accepté de livrer un peu de leur vie afin de nous aider à envisager nous-mêmes la vie avec espérance. ?
Abbé Patrice BOURSIER - Chantonnay
L’Espérance : Un don à accueillir, une mission à vivre
« N’ayez pas peur » C’est une parole que le Pape François vient de reprendre en s’adressant aux jeunes réunis à Lisbonne pour les JMJ. Cette parole revient à de très nombreuses reprises dans la Bible quand le Peuple d’Israël, en proie aux difficultés, crie sa souffrance, voire sa colère vers Dieu qu’il accuse de l’oublier. Cette parole nous est adressée aujourd’hui mais a-t-elle quelque pertinence dans le monde troublé que nous connaissons ? N’est-elle pas un déni de la réalité ? Les motifs d’inquiétude sont si nombreux et à tous niveaux : C’est la guerre en de nombreux pays du monde avec les souffrances qu’elle engendre. Ce sont les migrants abandonnés aussi bien en plein désert qu’en haute mer. C’est la menace climatique aux répercussions considérables. Au sein de l’Église, des tensions, des scandales portent atteinte à sa crédibilité. Plus près de nous, la violence verbale, physique, la dureté des rapports sociaux gagnent en intensité. Plus intimement, que de solitudes cachées ! Que de ruptures douloureuses ! Que de deuils inconsolables ! etc. Oui, comment recevoir cette parole : « N’ayez pas peur ? »
L’espérance : Un don à accueillir
« J’ai vu la misère de mon peuple. J’ai entendu le cri de sa prière. » (Livre de l’Exode au chapitre 3). Notre espérance est d’abord fondée sur la fidélité de Dieu. La relecture que le Peuple d’Israël fait de sa propre histoire lui révèle la présence permanente de son Dieu, fidèle à l’Alliance qu’il a scellée : « Je serai ton Dieu. Tu seras mon peuple. » Toujours, cette présence, cette fidélité de Dieu – prolongée par Jésus – se sont révélées au service de plus de vie, plus de qualité de vie pour son Peuple. Rappelons-nous : Promesse d’une descendance à Abraham - libération de l’esclavage en Égypte – Soutien dans le désert. Puis, avec Jésus : Présence aux malades – Accueil des personnes rejetées – Libération du péché – Libération de la mort avec la résurrection. Le Dieu de l’Alliance est un Dieu qui fait vivre. C’est dans cette fidélité de Dieu que se fonde notre espérance. La fidélité de Dieu à son peuple hier est garante de sa fidélité aujourd’hui. « Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées. Elles se renouvellent chaque matin. » (Livre des Lamentations au chapitre 3).
L’espérance : Une mission à vivre
Ce don de la fidélité de Dieu à nos vies est aussi une mission à vivre. Au cœur de ce monde troublé, en quête de sens, nous portons la responsabilité de l’espérance. Quand nous prenons le temps de l’accueil, de l’écoute, nous sommes porteurs d’espérance. Quand nous ouvrons des chemins de pardon, nous sommes porteurs d’espérance. Quand nous œuvrons pour plus de partage, de solidarité, nous sommes porteurs d’espérance. Quand nous créons des relations de qualité pour un vivre ensemble meilleur, nous sommes porteurs d’espérance.…/…
Malgré nos fragilités, la mission nous est confiée d’être les révélateurs d’un Dieu en qui nous pouvons mettre notre espérance. « Nous sommes l’espérance de Dieu » pour faire de notre Terre « la maison commune » agréable à vivre pour tous. ?
Abbé Marcel BIDAUD - Chantonnay
L'espérance, voilà un joli mot, mais comment espérer en rencontrant la maladie ? Tout allait bien et patatras … tout s’est figé en un instant ! J’espérais alors encore beaucoup de ma vie, mais quid de l’espérance quand mon horizon de vie se réduit drastiquement ? Je me dis que Dieu peut tout et que donc il peut me guérir physiquement. Dans ce cas, pourquoi me guérirait-il et pas les autres, ou
inversement0? Quel serait alors le sens d’une foi qui mettrait Dieu au défi de la guérison ? Cette voie me semble une impasse et pourtant, j’entends parler de guérisons du corps inexpliquées et soudaines… Bien sûr que, envers et contre tout, j’espère une guérison de mon corps, mais, réflexion faite, j’intègre peu à peu le fait que Dieu répond à mes demandes, « travaille en moi », qu’il cherche à me rencontrer, mais que sa réponse est presque forcément différente de celle que je souhaite et que j’espère. Le chemin est difficile, escarpé, tortueux et parfois, le désespoir m’envahit, violemment, en même temps que la tristesse ; c’est humain je pense. Néanmoins, avec faiblesse, inconstance, volte-face et autres difficultés de toutes sortes, je garde au fond de moi cette espérance que, au terme de mon chemin sur la terre, je me trouverai en face à face avec Dieu, dans la plénitude de la vie éternelle. Cette espérance me vient de la Résurrection qui a suivi la crucifixion et la descente aux enfers. Pour la faire vivre, entretenir cette petite flamme qui vacille au gré des souffles divers, bons ou mauvais, mais reste néanmoins vivante, je demande à l’Esprit Saint de venir en moi pour me donner la force, et je me réfère à saint Jean (« Je suis le chemin, la vérité et la vie ») et au Notre Père (« Que ta volonté soit faite »). ?
ÉTIENNE – Chantonnay
Lorsque l’on m’a demandé d’écrire sur l’espérance, j’ai tout de suite pensé à la désespérance qui pour moi est un très grand désespoir. Je suis allée rechercher des synonymes du mot désespoir et j’ai trouvé : abattement, accablement, angoisse, consternation, découragement, détresse. À l’heure où j’écris ces lignes, c’est en partie ce que je ressens : de l’abattement, de l’angoisse, du découragement, et surtout une grande tristesse. Pourquoi : parce que quelqu’un que j’aime au plus profond de ma chair n’en finit pas de se détruire, de se mettre en danger, et en cascade, de consumer à petit feu les autres membres de la famille. Alors, comment réagir : me mettre au fond de mon lit en attendant des jours meilleurs, en attendant que tout cela s’arrête ? Choisir de quitter cette vie ?
Et bien NON, parce qu’en me mettant au fond de mon lit, en fuyant, je passe à côté de plein d’autres belles choses que la vie a à m’offrir : le soleil qui réchauffe ma peau lorsque je sors, le calme de cette forêt que je parcours en me promenant, la beauté de ce soleil couchant, et surtout surtout, la présence de mes petits-enfants qui, eux, sont source d’espoir en l’avenir et me font m’accrocher. Alors, j’ai également cherché les synonymes d’espoir et espérance : « Fait d'espérer, d'attendre avec confiance, foi… » La CONFIANCE, la FOI : finalement n’est-ce pas cela qui me tient debout, me motive, me rassure ? Si je n’avais pas cette Espérance que tout cela s’arrange, qu’une vie plus sereine reprenne son cours, est-ce que je m’accrocherais encore ? Est-ce que j’aurais le courage de sortir de mon lit ? Et, ainsi, je suis persuadée que sans espérance, sans confiance, sans foi, ma vie, la vie serait compliquée, voire inenvisageable par moment. Je m’accroche à cette petite flamme qui résiste en moi. Alors, grâce à cet espoir, que la vie va m’apporter un jour un peu plus de sérénité et un peu moins d’angoisse, je me cramponne à cette flamme, je continue à me lever le matin, à prier pour remercier ce nouveau jour offert, et à prier également pour notre famille bien sûr, mais également pour tous mes frères, qui, pour nombre d’entre eux sont bien plus malheureux que moi. J’espère, j’espère, j’espère, je prie et essaie de garder la foi !!!?
MARIE-CÉ – Essarts-en-Bocage
La vie est un cadeau, mais parfois les événements viennent perturber nos vies. Un accident, une maladie, et on se pose beaucoup des questions : pourquoi nous ? Que va-t-il se passer par la suite ? Le handicap ? La peur de se retrouver seule après quarante années de vie commune, de partage : serai-je assez forte pour accepter ? Là, on se désespère… Mais finalement, on s’aperçoit que les amis nous soutiennent par leurs prières, par un simple appel téléphonique. Ce qui me fait tenir aussi, c’est la confiance de recevoir le soutien du Christ, de l’Esprit Saint, quand je leur demande de m’aider à être forte. L’espérance positive me construit de façon à aller toujours au fond de moi- même ; au fond de mon cœur, une petite voix me guide et me dit qu’il y a toujours une solution. Sans espérance, la vie n’a pas de sens et il n’y a pas d’amour sans espérance. L’espérance chrétienne est fondée sur la foi dans la Parole de Dieu et en la personne de Jésus-Christ. Nos églises ont parfois l’air vide, mais il faut toujours continuer à espérer en notre jeunesse, la future génération, comme tous ces jeunes réunis à Lisbonne aux J.M.J. (Journées Mondiales de la Jeunesse) en ce début août. Il faut savoir méditer pour entendre cette petite voix qui trouve toujours des solutions pour avancer et laisser derrière soi le passé et voir l’avenir. J’aime souvent me répéter cette parole de l’abbé Gilbert Bossis : « Sous la cendre du foyer que l’on croyait éteint, il suffit de souffler dessus pour retrouver la joie de vivre et d’espérer dans la vie, en toute circonstance ».?
SYLVIANE – Essarts-en-Bocage
Oui, il y a des choses plus difficiles que d’autres à vivre, à porter ou à accepter : l’indifférence, l’insensibilité, la vie de groupe, le regard de l’autre ; accepter aussi les épreuves de la vie car nous ne sommes jamais préparés, de se fixer des objectifs que l’on pense inatteignables. Ils ne sont pas vitaux mais nécessaire à notre équilibre pour évoluer et avancer dans la vie. Mais parmi ce qui nous soutient, nous considérons comme primordial l’amour de notre famille, nos amis. Cela peut également nous porter dans certaine circonstance. La réussite de notre famille et de nos proches, atteindre nos objectifs, tout cela nous porte lorsque l’on affronte des difficultés. Il y a une parole de la Bible qui nous touche particulièrement, peut-être parce que nous sommes de jeunes mariés. On la trouve dans le livre de l’Ecclésiaste au chapitre 4 : «0Deux valent mieux qu’un, car ils ont un bon rendement pour leur travail : Si l’un d’eux tombe, l’autre peut aider l’autre à se relever. Mais ayez pitié de celui qui tombe et qui n’a personne pour l’aider à se relever. De même, si deux personnes couchent ensemble, elles se réchaufferont. Mais comment peut-on se réchauffer seul ? » Et voici ce que nous aurions envie de dire aux chrétiens de la paroisse : la communauté chrétienne est une famille dans laquelle nous pouvons trouver régulièrement du soutien et de l’amour. On peut parfois y trouver une oreille attentive et de l’entraide. C’est pour nous une évidence de partager ces moments en groupe. Il est parfois difficile de communiquer en groupe mais cela peut ouvrir des portes inopinées.?
CLÉMENCE et ALEXANDRE – mariés à Chantonnay en juin dernier
Comment l’espérance me fait vivre malgré l’épreuve de la maladie ? En 2012, on me détecte un cancer du sein. Surprise, pas d’antécédent ! J’ai alors 43 ans. A l’annonce par le médecin, on me dit qu’il y a 90 % de réussite. Alors j’y crois, je sais que les traitements vont être difficiles à supporter, mais dans un an ce sera résolu. Je m’accroche à mon Rocher, notre Seigneur Jésus, et je pars au combat plutôt confiante. Et puis, rien que pour mes enfants et toute ma famille, je ne peux pas baisser les bras. Parfois je flanche, mais le Seigneur me relève, me porte dans ses bras. J’ai la chance d’être très bien entourée par mes proches et mes amis. Je ressors grandie à beaucoup de niveaux de cette épreuve. Et puis, une dizaine d’années s’écoulent dans la joie d’être vivante. Pas une seule fois l’idée d’une récidive me traverse.
Et pourtant, fin 2021, c’est bien ce qu’on me décèle. Le cancer s’est réveillé avec des métastases sur la plèvre et les os, puis sur le foie. Aïe ! Là, j’ai peur ! Heureusement des amis me conseillent de tourner le dos à la panique et de regarder le Christ, de mettre toute ma confiance en Lui. Bien évidemment, il m’arrive souvent, comme à Pierre (Mt 14,27), de quitter des yeux le regard bienveillant de Jésus sur le lac et de perdre pied. Mais à chaque fois que je trébuche, que je m’enfonce dans les ténèbres, le péché, l’angoisse, le Christ est là avec toute sa bonté, sa tendresse de Père pour me relever. « Ah ! Ne craignez pas de lui dire que vous l’aimez, c’est le moyen de forcer Jésus à nous porter comme un petit enfant trop faible pour marcher. » « J’ai une si grande confiance en Lui (le bon Dieu) qu’il ne pourra pas m’abandonner. Je remets tout entre ses mains. » (Sainte Thérèse). Alors je prie, j’ai du temps pour ça. Merci Seigneur. La lumière de la Parole m’éclaire chaque jour. J’accueille chaque grâce qui tombe du Ciel comme un baume. Mes enfants, mon mari, ma famille et tous mes amis sont là, sans cesse, pour m’accompagner du mieux qu’ils peuvent. Ils me boostent. Chaque visite, chaque sourire, chaque geste de tendresse est un clin d’œil de Dieu. Et puis, il y a aussi toutes leurs prières. Quelle joie de se sentir portée ainsi. Aussi, je voudrais dire : ne cessons pas de nous aimer les uns les autres, de nous porter dans la prière. Et comme disait Sainte Thérèse : « Ne nous lassons pas de prier, la confiance fait des miracles ». Chaque jour qui passe est un miracle pour moi.?
ESTELLE – Chantonnay
« Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique », c'est ce que nous proclamons par le credo. Et l'Église est tout cela, mais ceux qui la constituent ne le sont pas forcément... Aujourd'hui je crois que ce qui pourrait me faire désespérer le plus, c'est de voir que l'on n'est pas très pressé de coller à ce qu'est l'Église. Comment, par exemple, un sujet comme l'eucharistie, qui est par essence communion et union, peut autant diviser ? Et pourtant Saint Paul nous le rappelle, « vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il
n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-28). Le Christ le demande d'ailleurs à son Père dans le chapitre 17 de saint Jean « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. » (Jn 17, 21). Il y a encore bien des choses qui peuvent nous faire désespérer, la violence, les abus d'autorité, le non respect de la vie, la solitude, etc. Et malgré tout, « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire » (He 6, 19). Il nous faut donc nous ancrer solidement par la prière dans le sanctuaire pour pouvoir rayonner autour sans perdre l'espérance. Et c'est bien ce qui m'aide à tenir dans l'espérance, ma relation à Dieu, par la prière. Et dans la détresse la prière des psaumes est pleine d'espérance. « Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne » (Ps 50, 14). ?
Pierre SOULLARD (séminariste pour le diocèse de Luçon) - Chantonnay
Depuis que Marie-Claire a rejoint le Seigneur, le plus dur moment pour moi est quand j’entre dans ma chambre. Je prie la Sainte Vierge pour ma famille au pied de mon lit. Je demande pardon à Jésus pour les erreurs de ma journée et lui demande de faire mieux, et surtout de me guider pour que ma vie soit utile et de m’emmener dans son Paradis rejoindre ma chère épouse. …/…
Dans mon lit, j’ouvre mes mains pour offrir ma vie à Dieu avec ses hauts et ses bas. Il m’arrive de dire, comme Job, dans la Bible : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni. » Mais d’autres fois, c’est plutôt comme le Christ sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Avec mon épouse, aidés par le mouvement « Chrétiens dans le Monde Rural » (CMR), nous avons basé notre vie sur l’espérance… Nous avons pris des engagements professionnels, humains et en Église ; des engagements parfois incompris (Jésus lui-même n’a pas toujours été compris quand il allait vers des personnes que l’on jugeait infréquentables). Cette vie m’a préparé à supporter le très dur départ de Marie-Claire, car nous étions très attachés l’un à l’autre et heureux malgré nos problèmes de santé. Ma famille, bien que loin géographiquement, m’a beaucoup aidé. J’ai aussi la chance d’avoir des belles-sœurs qui viennent me voir ainsi que des prêtres. Et maintenant, qu’est-ce qui me fait espérer ? Revoir mon épouse dans son Paradis. Et, d’ici là, me sentir utile. Il m’arrive de pleurer, mais Jésus aussi a pleuré la mort de son ami Lazare. ?
ÉMILE - Chantonnay