Noëls d’autrefois

En ce début d’Avent, nous nous mettons en route vers la fête de la nativité du Christ. Dans ce numéro de notre bulletin, nous sommes allés à la rencontre de personnes de nos paroisses qui, eu égard à leur âge, ont connu des Noëls bien différents de ceux d’aujourd’hui. Ces récits peuvent étonner, voire décontenancer les générations plus jeunes, tant on se sent, à travers ces témoignages, dans un tout autre univers ecclésial et social que celui que nous connaissons aujourd’hui.
Il est toujours bon de prendre un peu mieux conscience de ce que d’autres générations ont pu vivre dans le passé. Il en ressort, à plusieurs reprises, ce message et ce témoignage : "La vie était rude mais nous étions heureux !"



Il s’agit bien d’un témoignage, en effet. Il nous rapproche de ce qu’a vécu Jésus, c’est-à-dire d’un Noël bien loin de l’image féérique qui nous habite parfois. Ce fut plutôt un Noël précaire, celui d’une famille ‘migrante’ qui avait dû quitter Nazareth pour un recensement à Bethléem, qui avait trouvé, pour l’enfantement, un lieu bien austère et qui reviendra par un autre chemin pour fuir un massacre.
Merci à celles et ceux qui ont accepté de nous relater dans ce bulletin un pan de leur passé pas si lointain que cela temporellement mais bien dépaysant tout de même. Leur expérience nous rapproche de notre Sauveur et nous aide à prendre conscience que le bonheur et la réussite d’une vie ne dépendent pas nécessairement du confort dont on peut bénéficier.
Il en est un qui a réussi sa vie dans des conditions loin de tout confort. Il s’agit de l’abbé René Giraudet qui est mort, martyr, en juin 1945 à sa sortie du camp de concentration de Bergen-Belsen en Allemagne. Depuis plusieurs parutions, nous parlons de lui car approche le jour de sa béatification à Notre-Dame de Paris, le samedi 14 décembre. Vous découvrez aujourd’hui des photos de lui ou de son entourage dont plusieurs très peu connues du grand public.
Merci à tous ces témoins d’hier et d’aujourd’hui. Ils nous entraînent à la suite du Témoin (ce mot qui veut dire ‘martyr’) qu’est le Christ Jésus, celui qui naît à Noël.
Bon Avent et bon Noël à toutes et à tous.

Patrice BOURSIER,
curé de Saint Vincent de Chantonnay


On ne parlait pas de Noël : on fêtait la naissance de Jésus 

Une branche de houx avec ses petites boules rouges faisait office de sapin. La réalisation de la crèche était un évènement familial. On y apportait beaucoup d’attention. Il fallait aller chercher de la mousse. Les rois mages ne se mettaient qu’en janvier. Le 24 au soir, pas de réveillon. Chez certains, le père bénissait une bûche en disant : "Que le Bon Dieu nous donne la grâce d’en faire autant l’année prochaine". Il la mettait dans la cheminée et elle devait brûler jusqu’au lendemain soir. Ce qui en restait se mettait sur l’armoire pour protéger contre l’orage. Nous partions à pied (2 à 4 km), en équipe, pour la messe de minuit, en chantant sur le chemin. Au cours de la messe, le prêtre faisait le tour de l’église en portant l’Enfant Jésus avant de le déposer dans la crèche.


Ça nous marquait. Au retour, nous prenions un chocolat chaud avec un casse-croute ou une tartine de pain grillée dans la cheminée. Le matin de Noël, nous découvrions nos cadeaux : une orange et un jouet fabriqué par les parents ou un cadeau tiré du paquet de lessive bonus. On était content. Un Noël, l’une des personnes interviewées a découvert un paquet de cendre dans le sabot. Elle avait fait une bêtise, donc pas de présent ! Le repas du jour de Noël était amélioré avec une bûche au chocolat confectionnée la veille par maman. Dans les familles où l’on ne pratiquait pas, seul le 25 décembre changeait de l’ordinaire par un petit cadeau et une orange. Nous nous souvenons aussi des veillées le soir avec les voisins durant l’hiver. Bon Noël à tous et à toutes !

ÉLIANE, THÉRÈSE, JEANINE, HÉLÈNE, THÉRÈSE, ROLAND, JEANNE, GENEVIÈVE et NICOLE,
Résidents et résidentes de la Marpa de Sainte-Cécile

Noëls de mon enfance : un souvenir inoubliable 

Après plus de 98 ans d’existence, mes souvenirs d’enfant restent intacts. L’Avent était une période orientée vers Noël. Chaque soir, au coucher, avec maman, nous récitions cette prière : "Ô Jésus, petit enfant, venez dans mon cœur en naissant, pour chasser le péché et régner éternellement. Ô Marie, mère de douceur, préparez à Jésus un berceau dans mon cœur ". 


Les quatre semaines écoulées, nous préparions la crèche. Avec mon grand-père, nous allions ramasser de la mousse dans les fossés. Puis, selon le rituel, avec du papier rocher, la crèche prenait forme : les personnages et les moutons y étaient placés, sauf Jésus puisqu’il n’était pas encore né… 

Le soir de Noël, après le repas du soir, les adultes restaient veiller devant la cheminée où brûlait la bûche de Noël, réservée pour la circonstance, tandis que nous, enfants, nous montions nous coucher. Il y avait de l’énervement dans l’air, car à 7 ans, je devais assister, pour la première fois, à la messe de minuit. Après plusieurs heures de sommeil, les parents venaient nous réveiller et nous préparer pour le départ à l’église. Avec beaucoup d’empressement, nous quittions la maison, tandis que les cloches sonnaient à toute volée. Après cinq minutes de route, nous étions à l’église et remplissions le banc qui était réservé (à cette époque, on ‘louait’ les places de banc). À minuit pile, dans une église bondée, éclairée au maximum, une voix d’homme entonnait le traditionnel cantique "Minuit chrétiens, c’est l’heure solennel". La foule reprenait le refrain avec puissance et ferveur. Impressionnant, féérique ! Puis le prêtre, accompagné des enfants de chœur, allait déposer l’Enfant Jésus dans la crèche. C’est alors que l’on chantait : "Il est né le Divin Enfant". 


Une fois de retour à la maison, encore marqués par ce que nous avions vécu, nous allions enfin placer l’Enfant Jésus dans la crèche. Après avoir appréciés la tasse de chocolat chaud (c’était notre réveillon), nous allions continuer notre nuit sans avoir oublié d’aligner nos chaussures devant la cheminée.

 A notre réveil, la première chose que nous faisions était de découvrir ce que le ‘Petit Jésus’ avait déposé. Le Père Noël nous était inconnu. Nous étions ravis de nos cadeaux : une grosse orange, une bûche en chocolat, un Petit Jésus en sucre, un pull ou une écharpe, des moufles tricotées en secret par grand’mère, et quelle joie l’année où j’ai reçu un plumier ! Noël était aussi la fête du partage. L’orange de chacun était distribuée à chacun à la fin des repas. Nous avions un oncle et une tante sans enfant et qui voulaient également nous gâter. Nous mettions chez eux une paire de chaussures. En plus des gourmandises, ils y joignaient un personnage de crèche, un jeu de société… Nos proches voisins, seuls et âgés, nous faisaient la même proposition. C’était pour eux, une façon de fêter Noël. 

Aux environs de 1980, voici une anecdote qui marque déjà une évolution. L’aîné de mes petits enfants (3 ans), très spontané, m’a dit : "Mamie, elle n’est pas belle ta crèche. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas de clignotants !" Pas choquée du tout, je lui ai fait remarquer qu’au temps de Jésus, il n’y avait pas d’électricité, on s’éclairait à la bougie. Il ne faudrait pas que le ‘clinquant’ fasse oublier l’essentiel… Pour les enfants d’aujourd’hui, les Noëls d’autrefois peuvent paraître bien ternes alors que j’en garde un souvenir inoubliable. Avec peu de moyens, j’ai vécu une enfance heureuse empreinte d’amour, de paix et de joie. Merci mon Dieu.

 THÉRÈSE – Mouchamps

Comme cadeau, une orange

Nous étions une famille de huit enfants. À Noël, pas question d’acheter un sapin. L’arbre de Noël, c’était du houx, pris dans la campagne. Pour aller à la messe de minuit (qui était à minuit !), il y avait cinq kilomètres à pied. À chaque village où nous passions, les habitants nous rejoignaient, le groupe s’agrandissait au long du chemin. On était pratiquement cinquante personnes en arrivant au bourg, parfois en passant par les chemins creux. 

À l’arrivée à l’église, nos chaussures n’étaient pas toujours propres. La messe était en latin. Comme nous étions jeunes, mes frères et sœurs et moi, on ne comprenait pas tout et il nous arrivait de nous endormir. En revenant de la messe, on prenait un chocolat chaud avant d’aller se coucher. Le lendemain matin, on trouvait dans nos chaussures une orange et un cadeau pour les deux plus jeunes. Les autres n’en avaient pas. Il n’y avait pas de jalousie entre nous ; c’était comme ça. À l’école, les sœurs nous faisaient fabriquer un petit berceau pour l’Enfant Jésus avec une boîte d’allumettes. Tous les enfants n’en avaient pas chaque année. Quand ce fut mon tour, mes parents ont déménagé juste avant Noël, et je n’ai jamais eu mon petit berceau. J’en ai voulu longtemps à mes parents pour cela.

 LOUISETTE

C’était papa qui fabriquait nos cadeaux

J’habitais au Pallet en Loire Atlantique. Il n’y avait pas de sapin de Noël à la maison, mais on fabriquait une grande crèche avec des matériaux pris dans la campagne (mousse, branches, pommes de pin…). Le 24 décembre au soir, on nettoyait la cheminée. Il fallait aussi que nos chaussures soient propres pour les mettre devant. Nous allions à la messe de minuit. Il y avait trois messes : une messe chantée et deux messes basses. Le lendemain, on découvrait nos cadeaux. Comme papa était très bricoleur, c’est lui qui les fabriquait. Nous ne faisions pas de grands rassemblements de famille. Le jour de Noël, notre grand-mère venait manger avec nous et c’était tout. Nantes n’étant pas loin, nous allions, un jeudi avant Noël, passer une journée dans la grande ville, pour voir les vitrines illuminées des magasins. …/…

 Mais pas question d’acheter quoi que ce soit ! Nos parents n’avaient pas les moyens. Dans la famille de mon mari, on choisissait, plusieurs jours avant Noël, la plus belle bûche qui serait mise dans la cheminée la nuit de Noël. Puisque nous vivions modestement, nous n’avions pas de gros cadeaux. Il n’y avait pas des lumières partout dans les maisons et dans les rues, mais nous vivions des Noëls joyeux en famille et avec nos voisins.

 COLETTE

On avait peu mais on était heureux 

Âgé de plus de 85 ans, Robert(*) se souvient encore avec émotion des Noëls de son enfance. Ses mots font revivre un temps où la fête se préparait simplement, avec patience et joie. Noël arrivait au cœur de l’hiver, les journées étaient courtes et la nuit tombait tôt. L’électricité n’avait pas encore fait son chemin jusqu’au petit village. Malgré le froid, l’attente de la fête réchauffait les cœurs. La famille décorait la maison avec ce qu’elle avait, et installait la crèche. "On aimait beaucoup la crèche", se souvient-il. "Quand on nous disait que Jésus était né dans la paille, on le comprenait bien. On imaginait l’âne et le bœuf qui lui soufflaient dessus pour le réchauffer… c’était une image qui nous parlait." Une ambiance familiale régnait dans les maisons. Le soir du 24 décembre, toute la famille se rassemblait autour du repas, simple mais préparé avec soin. Les chants de Noël résonnaient dans la maison. 



Ensuite, les aînés partaient, en chantant, à la messe de minuit, à quelques kilomètres du foyer. Les plus petits disposaient alors leurs chaussures près de la cheminée, et devaient vite monter se coucher. "Il fallait vite dormir et être très sages", dit-il en riant. "On nous disait que le petit Jésus passerait pendant la nuit, et qu’il ne fallait surtout pas le déranger. Alors on fermait les yeux bien forts en espérant qu’il nous apporte quelque chose." Au matin, les cadeaux étaient dans les chaussures. "On trouvait une orange, parfois à partager avec un frère ou une sœur, un petit carreau de chocolat, et quelquefois un bonnet ou une écharpe que maman avait tricoté. C’était peu, mais on était heureux." Toute la famille se rendait à la messe le 25 décembre, à l’exception d’un ou deux aînés restés à la ferme pour s’occuper des animaux. Robert conclut avec douceur. "Pour nous, Noël, c’était la naissance de Jésus et l’esprit de famille qui unissait tout le monde. S’il y a une tradition à garder, c’est bien celle de la crèche." 

Un PAROISSIEN de Sainte-Croix-des-Essarts
*Le prénom a été changé.